L'équipe LUCIE a eu le grand plaisir d'accueillir Martin Richer lors d'un LUCIEminaire*. Dans ce replay, cet expert RSE, membre du Comité de labellisation LUCIE vous débroussaille en 1 heure le concept d'entreprise à mission.
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Entre raison d'être, entreprise à mission, rapport Notat-Senard et loi PACTE, personne ou presque n'y comprend rien. Pas de panique, Martin Richer vous explique tout, de manière claire et pédagogique.
Le replay du LUCIEminaire sur l'entreprise à mission
(Re)définir la notion d'entreprise
L'entreprise, une notion absente du droit et des disciplines universitaires
Avant d'aborder les définitions de raison d'être et d'entreprise à mission, revenons à la définition de l'entreprise. En effet, la notion d'entreprise n'existe pas dans le droit français, le code civil utilise depuis 1804 la notion de société comme le rassemblement d'actionnaires.
Dans le droit du travail, on trouve la notion d'employeur, mais encore une fois pas d'entreprise. La notion d'entreprise n'existe donc pas légalement sauf à travers celle du chef d'entreprise dans le droit du travail.
Aujourd'hui la notion de société, limitée à un rassemblement d'actionnaires, paraît donc incomplète. Avec la loi PACTE, il est temps de définir la notion d'entreprise, comme un projet soutenu par une collectivité soutenu par des ressources à la fois financières, naturelles, matérielles, etc).
La défiance des français envers l'entreprise
Selon le baromètre CEVIPOF, seulement 36% des Français ont confiance en l'entreprise. Alors que les Français ont toujours confiance dans les services publics comme l'hôpital ou l'école.
Cette défiance s'exprime avant tout envers les grandes entreprises. Les Français ont le sentiment que l'économie actuelle profite d'abord aux grands patrons et aux actionnaires. Ce manque de confiance questionne le lien entre la Société et l'entreprise.
Raison d'être et entreprise à mission : définitions et nuances
Définition de la raison d'être avec le rapport Notat Sénard
Les actionnaires possèdent des parts de la société. En France, ils participent rarement à la stratégie de l'entreprise. La raison d'être est attachée à l'entité qui décide de la stratégie : l'entreprise. C'est pourquoi le terme de raison d'être ne peut être utilisé pour un établissement ou un métier.
La notion d'entreprise a évolué au fil des années avec :
- le livre d'Oward Bowen, The social responsability of a business man, qui définit qu'une société, au sens d'entreprise, est imbriquée dans la société.
- La définition d'Edgard Freemann des parties prenantes : toutes les organisations et les individus affectés par l'impact de l'entreprise.
- La notion de triple bottom line qui vise à définir la performance d'une entreprise selon 3 dimensions : peuple, planet et profit
Finalement réfléchir à la raison d'être, c'est réfléchir à la finalité de l'entreprise.
Il s'agit pour l'entreprise de répondre aux questions suivantes en prenant en compte les 3 dimensions du développement durable :
- Pourquoi on existe ?
- Qu'est ce qu'on apporte ?
- En quoi le monde serait différent sans mon entreprise ?
Les 3 concepts de la loi Pacte
- La modification de l'article 1833 du Code Civil
La loi PACTE modifie l'article 1833 du Code Civil consacré l'intérêt social, une notion définie par Marc Vieno en 1995. Selon cet article, l'entreprise est pilotée en fonction de son intérêt social.
La loi Pacte introduit la nécessité pour les entreprises de prendre en compte les enjeux sociaux et environnementaux inhérents à leurs activités. - La possibilité de se doter d'une raison d'être - article 1835
Les entreprises qui le souhaitent peuvent se doter d'une raison d'être et l'inscrire dans leurs statuts. On ne parle pas de mission dans la loi, mais de raison d'être. Si toute les entreprises peuvent se doter d'une raison d'être, il est bien plus complexe de devenir une entreprise à mission. - La reconnaissance du statut d'entreprise à mission
L'intérêt de la raison d'être
Aujourd'hui alors que certaines entreprises développent une philosophie de "raison d'avoir" avec la financiarisation, d'autres cherchent à développer une raison d'être. Elles souhaitent créer du sens et développent des démarches de responsabilité sociétale.
Bien souvent les différentes fonctions ont déjà développé des outils pour définir leur "mission".
On trouve par exemple :
- l'Ambition statement pour la stratégie
- la marque employeur pour les ressources humaines
- le Business modèle pour les financiers
- le storytelling pour les communicants
- la plateforme de marque pour les marketeurs
- le projet rse pour le département RSE
Or bien souvent ces différents départements ne communiquent pas entres eux. La raison d'être doit parler à tout le monde et se superposer à tous ces outils. Pour construire sa raison d'être, l'entreprise doit d'ailleurs constituer un comité de pilotage avec les différentes fonctions de l'entreprise et des parties prenantes externes.
En définissant sa raison d'être, l'entreprise étend son objet social. Cette dernière permet de donner du corps à l'objet social et de prendre le contre-pied de la logique de financiarisation. La raison d'être est la boussole ou encore le phare qui guide l'entreprise.
De manière plus opérationnelle, la raison d'être doit exprimer la contribution de l'entreprise à la Société et à la planète, son net positive impact (NPI).
Quelle est la différence entre la raison d'être et la mission ?
La définition de la raison d'être est la première étape pour devenir une entreprise à mission. Une simple déclaration d'intention ne suffit pas à obtenir le statut d'entreprise à mission.
5 conditions sont nécessaires pour obtenir le statut d'entreprise à mission :
- La définition de la raison d'être de l'entreprise
- L'inscription de la raison d'être aux statuts
L'entreprise doit alors convoquer une assemblée générale dédiée, où les 2/3 des actionnaires votent en faveur de l'inscription de la raison d'être aux statuts. - La création d'un organe de suivi
Pour éviter le "mission washing", une gouvernance spéciale doit être mise en œuvre pour contrôler que la raison d'être se traduit dans les décisions, les actes et le management de l'entreprise. - Une démarche d'évaluation des actions déployées et de reporting
L'entreprise peut en profiter pour faire le reporting imposé par la nouvelle directive européenne : la déclaration de performance.
Les 5 bonnes raisons de devenir une entreprise à mission
- Rendre opposable la raison d'être à l'ensemble des parties prenantes
- Se prémunir des rachats hostiles
- Remettre la stratégie au cœur de la gouvernance
Pour l'IFA, l'entreprise à mission renforce le conseil d'administration dans la stratégie de l'entreprise. Il n'y a pas d'entreprise qui gagne dans un monde qui perd. - Redonner du sens au projet de l'entreprise. Définir le pourquoi comme l'explique si bien Simon Sinek dans son TEDx : Start with why.
- Ancrer le projet d'entreprise dans le corps social
Les valeurs doivent être incarnées. Embarquez tout le monde dans la démarche et même des parties prenantes externes : partenaires, clients
Exemple d'OpenClassrooms
La raison d'être d'OpenClassrooms est de rendre l'éducation accessible à tous.
Par exemple dans le cas d'un séminaire à l'intérieur d'une entreprise, l'entreprise peut rendre le support accessible (traduit en anglais et diffusable). OpenClassrooms rend ensuite ces formations disponibles notamment à travers un partenariat avec Pole Emploi.
L'impact des technologies est déterminant. Hier l'entreprise pouvait tenir de multiples discours. Aujourd'hui le consommateur a le pouvoir. Les entreprises évoluent dans un monde de transparence et doivent rendre des comptes. Une unité de paroles et d'actes est une évidence aujourd'hui pour l'entreprise.
Au-delà de la RSE, des ODD ou de la raison d'être, la notion d'entreprise contributive se développe. L'entreprise doit avoir un impact positif sur la Société et la planète.
Le grand défi de l'entreprise, auquel la raison d'être et l'entreprise à mission peut répondre est bien de redonner du sens en :
- Redonnant du sens au travail de tous les jours : pourquoi les collaborateurs se lèvent le matin ?
- Donnant du sens à l'entreprise dans la Société
Pour aller plus loin
C’est un article très intéressant. J’ai néanmoins remarqué que vous faites mention de la théorie des parties prenantes et notamment d’Edgar R. Friedmann. Hors c’est Edgar R Freemann et non Friedmann comme vous l’avez indiqué qui, lui était tout à fait à l’opposé de cette théorie puisqu’il considérait que la seule responsabilité des entreprises était de réaliser des profits. Cordialement.
Merci Séverine, l’erreur est corrigée. En effet, lier la théorie des parties prenantes à Friedmann aurait dû nous mettre la puce à l’oreille. 🙂
Attention il s’agit bien de R. Edward FREEMAN et de Howard BOWEN
Bonjour,
Est-ce Lucie Formation prévoit de proposer des modules spécifiques sur l’entreprise à mission?
Belle journée,
Dominique
Bonjour, merci pour votre article très intéressant.
Je remarque qu’à la fin de l’article la différence entre la raison d’être et la mission n’est pas clairement expliquée.
[…] [ WEBINAR ] Pourquoi s’intéresser à la raison d’être pour son entreprise ? Raison d’être ou société à mission : quelles différences ? Pour faire le point, suivez le webinaire animé par Martin Richer (fondateur de Management & RSE) pour nos amis du label LUCIE (le principal label RSE francophone), disponible en Replay […]